mardi 22 décembre 2009

Cadeau de Noël: la Spiral Jetty vue du ciel

Les dernières photos aériennes de la sculpture par Tom M...: cliquez ici.

vendredi 20 novembre 2009

Jeanne-Claude tire définitivement le rideau



© Christo et Jeanne-Claude à la projection du documentaire de HBO, The Gates, au Gracie Mansion de New York City le 12 fév. 2008 (Jonathan Fickies/Getty Images)



Le blog fait une exception à sa ligne éditoriale pour évoquer la mort de Jeanne-Claude, avant-hier à New York, des suites d'une rupture d'anévrisme. Jeanne-Claude Denat de Guillebon était née à Casablanca le 13 juin 1935, précisément le même jour que Christo Javacheff, son alter-ego, né à Gabrovo en Bulgarie. Christo & Jeanne-Claude ne prenait jamais l'avion ensemble de crainte de ne pouvoir mener à terme les projets en cours. Il nous reste donc un espoir de voir un jour la toile de Over the River flotter au-dessus de la rivière Arkansas dans le Colorado et le Mastaba de 410000 barils dominer les dunes des Emirats, des projets qui remontent respectivement à 1992 et 1977.



Ci-contre, Rifle Gap dans le Colorado il y a 10 ans, le site de Valley Curtain (1972) sans son rideau flamboyant qui semblait pasticher les toiles luministes d'Albert Bierstadt glorifiant la conquête de l'Ouest au milieu de 19e siècle (voir Ecrire la Fontière pp.104-5). Cette première œuvre monumentale américaine a propulsé la carrière de Christo & Jeanne-Claude, entraînant Running Fence (1976) ou, beaucoup plus récemment, The Gates (2005). Ces projets éphémères, entièrement autofinancés par la vente des dessins et collages préparatoires, nécessitent une logistique hors du commun. Cette dernière installation dans les allées de Central Park a valu aux Christo en 2006 le prix pour la meilleure œuvre publique de l'AICA/USA, la branche américaine de l'Association Internationanle des Critiques d'Arts basée à Paris. L'année suivante, c'est Floating Island to Travel Around Manhattan Island (1970) de Robert Smithson, réalisée en septembre 2005 par Nancy Holt et Minetta Brook pour le Whitney Museum, qui a obtenu cette récompense.



Comme le laisse entendre le titre de l'article de William Grimes dans le New York Times, cette disparition intervient sur fond d'échéance écologique. Christo & Jeanne-Claude recyclaient tous leurs matériaux et n'ont jamais endommagé les sites de leurs installations. Contrairement à une idée reçue, tous les gens impliqués dans la fabrication comme dans le déploiement de leurs œuvres ont été rémunérés au-dessus du tarif légal du pays. Une éthique dont beaucoup feraient bien de s'inspirer. Comme la beauté des îles de la baie de Biscayne à Miami qu'elle avait eu l'idée d'habiller de rose (Surrounded Islands, 1983, photo: Wolfgang Volz), la fraîcheur du regard de Jeanne-Claude nous manque déjà.



>> William Grimes, "Jeanne-Claude, Christo’s Collaborator on Environmental Canvas, Is Dead at 74". The New York Times, 19 oct.2009.

>> Site officiel de Christo & Jeanne-Claude

jeudi 19 novembre 2009

Comment conserver de l'art qui vit dans un lac?


Un article de Randy Kennedy vient de sortir dans le New York Times au sujet de la conservation de la Spiral Jetty. Propriétaire de l’œuvre, la fondation Dia observe sa dégradation occasionnée par les nombreux visiteurs depuis son émergence il y a quelques années. Certains ne peuvent s’empêcher de prélever des pierres pour réaliser leurs propres petites jetées à proximité. D’autres les emportent en souvenir.

Francesca Esmay, chargée de la conservation des œuvres à la fondation Dia, s’est tournée vers le J. Paul Getty Trust.
Rand Eppich, directeur de projets à l'Institut de Conservation Getty, qui participe à la conservation du patrimoine artistique et culturel à travers le monde, a été chargé d'examiner des solutions pour documenter l’état de la sculpture d’année en année. Cette documentation devrait aider à la prise de décision pour d’éventuelles futures restaurations. Or, les dimensions même de la Spiral Jetty demandent une logistique particulière, notamment pour la photographier.

Concernant les vues aériennes, tous les moyens de transport on été envisagés, du satellite au cerf-volant, en passant par l’avion et l’hélicoptère. Habitué à jongler avec des budgets faits de "bouts de ficelle", l’institut a adopté une solution économique "à la MacGyver": un ballon météo jetable en latex à 50 dollars commandé sur Internet, gonflé à l’hélium et attaché à du fil de pêche [similaire au rover de la série Le Prisonnier]. Eppich a armé son aérostat d’un simple appareil compact Canon PowerShot G9 [avec retardateur à prise de vue en continu] posé sur une mini nacelle en contreplaqué et pièces de métal, le tout fixé par des attaches en plastique. Eppich préfère évoquer une solution "peu onéreuse" plutôt que "bon-marché". En mai dernier,
Eppich , son assistante Aurora Tang et Francesca Esmay se sont rendus sur place. Après quelques essais et deux ballons éclatés, mais sans dommage pour l’appareil, ils ont réalisé "des clichés à la fois spectaculaires et extrêmement utiles" depuis une altitude comprise entre 250 et 500 mètres (voir les liens vers le site du Getty en bas de post).

Chargée de la conservation des œuvres de Dia depuis trois ans, Francesca Esmay s’occupe aussi bien d’œuvres monumentales in situ comme le Lightning Field de Walter de Maria dans le Nouveau Mexique que des sculptures de Donald Judd, Dan Flavin ou Louise Bourgeois au musée Dia:Beacon près de New York. Ce ballon lui permettra désormais de répéter facilement l’opération chaque année sans la moindre assistance. L’article évoque ensuite les menaces industrielles qui ont plané ces deux dernières années sur la Spiral Jetty: l’extension des bassins d’évaporation à potasse, un engrais chimique, et des forages pétroliers à portée de vue de la sculpture (voir précédents posts). Le scandale avait poussé les autorités de l’Utah à promettre une zone tampon autour de l’œuvre afin de proscrire toute nuisance.

Parallèlement aux risques industriels, la vase s’installe entre les spires de la sculpture. Ce phénomène est d’autant plus visible que le niveau du lac est exceptionnellement bas depuis deux ans, laissant la sculpture totalement hors de l’eau. Ce processus d’envasement étant naturel, Francesca Esmay s’interroge sur l’opportunité d’intervenir sur l’œuvre. Elle pense que celle-ci pourrait peut-être se désenvaser naturellement dans les années qui viennent. Smithson avait d’ailleurs écrit en 1972: "La nature n’avance pas en ligne droite, son évolution étant protéiforme. La nature ne connaît pas d'état définitif." ["Cultural Confinement", contribution au catalogue de la Documenta 5 rééditée dans Jack Flam (ed.), Robert Smithson: The Collected Writings (University of California Press, 1996), p. 155].


>> Randy Kennedy, "How to Conserve an Art That Lives in a Lake?"
The New York Times, 18 nov. 2009
>> The Getty: "Documenting Spiral Jetty" / lien direct vers le diaporama /
vidéo du lever du jour en accéléré / vue panoramique à 360° (Quicktime)
>> Art:21 Blog: "Extending the Conservation Framework: A Site-Specific Conservation Discussion with Francesca Esmay" by Richard McCoy


© Photos: Eppich/Esmay/Tang, J.Paul Getty Trust/coll. Dia Art Foundation, 2009

vendredi 23 octobre 2009

Le Nouveau bouillonnement du Land Art

Ce travail de l'artiste français Cyprien Gaillard illustre la nouvelle effervescence autour du Land Art, qui entre à présent dans la catégorie plus large de l'art environnemental.


© Cyprien Gaillard. Real Remnants of Fictive Wars VI, 2007.
Capture vidéo: Cosmic Gallery (Bugada & Cargnel), Paris
(merci à Marc de Verneuil et son Observatoire du Land Art pour l'info).

Une trentaine d'organisations à vocation artistique du Nouveau Mexique (musées, galeries, universités, fondations, etc.) se sont associées cette année autour d'un ambitieux projet intitulé
Land/Art. Cette manifestation donne lieu de juin à novembre à des expositions, des sculptures in situ, des conférences, des projections, le tout couronné par la publication d'un ouvrage, Land/Art New Mexico (Radius Books, déc. 2009).

Dans ce cadre, Nancy Holt interviendra le mardi 27 octobre dans les locaux de SITE Santa Fe, un centre artistique à but non lucratif (1606 Paseo de Peralta). Pionnière du Land Art et de la sculpture publique, l'artiste évoquera ses excursions avec Robert Smithson et d'autres artistes (Donald Judd, Carl Andre, Michael Heizer, Robert Morris, Robert Rauschenberg, etc.) entre 1966 et 1969. Le film Mono Lake, tourné par Holt, Smithson et Heizer en 1968, sera projeté ainsi que de rares séries de photos de Nancy Holt, notamment Graveyard Series (Lone Pine, CA/Virginia City, NV, 1968), Trail Markers (Dartmoor, Angleterre, 1969); Concrete Visions (1967) et Over the Hill (1968).

Une bonne occasion pour interroger l'artiste à propos des projets industriels qui menacent des sculptures emblématiques réalisées il y a 30 ou 40 ans.

© Nancy Holt. Bonneville Salt Flats, Utah. Photo par Matt Coolidge, CLUI

mercredi 8 juillet 2009

Une nouvelle menace pèse sur la Spiral Jetty

La Great Salt Lake Minerals Corporation sollicite actuellement une extension de son activité dans le bras nord du Grand Lac Salé. Concrètement, la compagnie voudrait étendre ses bassins d'évaporation sur près de 37000 hectares. Ce qui signifie plus de pompes, de digues, de tranchées, de canaux, d'engins, etc. afin de récolter encore et toujours plus de sulfate de potassium et de magnésium, des engrais chimiques causant par ailleurs d'autres problèmes environnementaux.

En attendant, la firme soigne son image et tente d'assurer son soutien en faisant, par exemple, un don de 25000 dollars à Westminster College, un établissement supérieur de Salt Lake City dont une enseignante fait partie du conseil consultatif pour le Grand Lac Salé (voir
The Salt Lake Tribune, 3 juillet 2009 et le message du 28 août 2008).

Dans cette zone à l'équilibre fragile, ce nouveau projet d'industrialisation pose plusieurs problèmes. Non seulement il perturberait la vie des espèces d'oiseaux endémiques et migrateurs qui l'habitent, mais il compromettrait définitivement la jouissance et la tranquillité d'un environnement préservé pour tous les visiteurs de cette partie du lac.


Comme si ça ne suffisait pas, GSL Minerals compte également solliciter un droit de prélèvement supplémentaire de plus de 430 millions de mètres-cubes d'eau sur Gunnison Bay. Ajoutés aux 185 millions de m³ déjà accordés sur Bear River Bay, le maintien du niveau moyen du Grand Lac Salé serait compromis. Un modèle développé par la Division of Water Ressources montre en effet que pour 123 millions de prélevés, le niveau du lac diminue en moyenne de 20 à 30 cm. A terme, les deux zones de prélèvement finiront par se "pétrifier" sous la pression de l'inévitable accroissement de la production.
"Je trouve déplorable que la division [des ressources naturelles] de l'état, [...] à qui on a confié la responsabilité d'un bien public, [considère ce projet] comme rationnel et réalisable. De mon point de vue, c'est une aberration." Lynn de Freitas (Friends of the Great Salt Lake), Salt Lake Tribune, 4 Juillet 2009
Située sur ce même bras nord du Grand Lac Salé, la Spiral Jetty ne serait plus entourée de l'eau rouge pour laquelle Smithson a choisi le site et elle ne vivrait plus les cycles d'
émersion-submersion qu'on lui connait depuis sa création. Cette menace s'ajoute à celle d'un forage pétrolier qui n'attend, lui aussi, qu'une hausse des cours mondiaux pour trouver un nouvel élan économique.

L'U.S. Army Corps of Engineers a été chargé de rendre son avis sur le projet d'extension de la GSL Minerals. On peut naturellement faire confiance à l'armée en termes d'environnement et d'éthique... Donc, même urgence et même démarche que pour le précédent projet de forage: vous pouvez adresser vos commentaires en vous inspirant, par exemple, de la lettre postée hier par la fondation Dia (pdf). Ou plus simplement, vous pouvez copier-coller ce modèle (html/doc/pdf) dans un message à envoyer avant le 9 juillet minuit heure locale (soit le 10 juillet 8h heure de Paris) à Jason Gipson
(jason.a.gipson@usace.army.mil), en charge du dossier au Nevada-Utah Regulatory Office. D'avance, merci encore de votre soutien. A suivre...

>> John Keahey, "Mineral Firm Seeks to Double Footprint", The Salt Lake Tribune (4 Juillet 2009)

©
Photo: Bassins d'évaporation de la SLC Minerals près d'Ogden, UT. Jeff Kubina, 23 juillet 2006 (Wikimedia Commons)